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vendredi 1 décembre 2006

Elie Barnavi, La France et Israël. Une affaire passionnelle



Elie Barnavi et
Luc Rosenzweig, La France et Israël. Une affaire passionnelle, Paris : Perrin, septembre 2002



Site francophone, souvent porté sur Israël et le monde juif, même si pas uniquement, il nous fallait étudier et rendre compte de la parole de certains privilégiés de cette relation franco – israélienne, tel Elie Barnavi.



Ambassadeur d'Israël en France de décembre 2000 à octobre 2002, celui-ci revient sur son parcours pendant deux ans, et accompagné par Luc Rosenzweig - journaliste à Libération puis au Monde - il pose un regard d'historien, et de professionnel sur les relations entre Israël et la France pendant ces deux années difficiles. Même s'il ne s'interdit pas quelques mobilisations de l'histoire afin de mieux comprendre certains situations, il ne s'agit pas d'un livre d'histoire mais plutôt d'expérience. Et de l'expérience, Monsieur Barnavi en a!
Et il l'exprime mieux à l'écrit qu'à l'oral, surtout à la télévision, où, à mon sens, l'historien - ambassadeur est un peu mou, alors qu'il faudrait parler plus vite, être plus agressif et plus vivant. Dans son livre, en tout cas, il revient précisément sur plusieurs affaires et relations avec l'Elysée ou Matignon. Des remontrances de Jacques
Chirac
envers Ehud Barak, aux dîners élyséens, où selon
Jean Marie Colombani1 on emmetrait l'éventualité de la disparition d'Israël dans l'entourage de Jacques Chirac, sans trop d'état d'âmes, les anecdotes sont nombreuses et intéressantes. En ce sens, ce livre est avant tout un témoignage.



Mais la connaissance de l'histoire, tout comme de la politique, par le Professeur de l'Occident moderne à l'université de Tel Aviv, lui permet aussi d'analyser le caractère de certaines figures historiques, ou d'analyser les tournants idéologiques en France comme en Israël. Ainsi, nous livre – t – il sa vision de Sharon, mais aussi de Shimon Pérès. Il est intéressant de revenir sur celle de Sharon. Selon Barnavi, il serait pessimiste à court terme, face à des peuples arabes, qui, selon lui, modifieraient les formes de leurs luttes, mais n'accepteraient en réalité toujours pas la présence d'Israël et dont l'objectif resterait, au fond, le même qu'en 1948 : «Jeter les juifs à la mer».
Mais à long terme, Sharon aurait confiance en la capacité de l'occident, même de l'Europe, à «prendre conscience des dangers que recèle un monde arabe incapable de sauter sur le coche de la modernité et travaillé par la passion mortifère de l'intégrisme terroriste» (c'est Barnavi qui traduit ce qu'il croît comprendre de Sharon, la citation est donc celle de Barnavi). En historien, Barnavi revient aussi sur les relations franco – israéliennes dans l'histoire, et notamment sur celles des travaillistes israéliens et des socialistes français. Le double mouvement me paraît tout à fait pertinent. D'un côté, des travaillistes en perte de pouvoir en Israël, depuis le tournant de 1977 et la victoire historique de la droite, de l'autre une modification idéologique des socialistes français, marquée par la formation d'un Parti socialiste accueillant en son sein des formations gauchistes ayant toujours été hostiles à Israël, remplaçant la vieille SFIO de Guy Mollet, des vieux amis d'une autre génération. On pourrait même, à mon sens, creuser l'évolution idéologique et politique, presque inverse, des deux formations.



Mais si Barnavi est finalement bien meilleur dans ses livres que sur les plateaux de télévision, c'est qu'ils n'hésitent pas à remettre la vérité à sa place, sous la forme de petites boutades. Ainsi lorsqu'il commente le caillassage de Lionel Jospin en Judée Samarie, lorsqu'il s'adressa aux Arabes pour leur recommander d'arrêter de soutenir des mouvements comme le Hamas ou le Hezbollah. Lionel Jospin se faisait alors l'écho d'une vieille tradition socialiste, celle justement d'une autre génération, aujourd'hui politiquement et médiatiquement disparue, et que j'aimerais tant voir renaître. Et face au manque de soutien et aux risques de l'affaire, il en revînt à une position plus consensuelle envers les Arabes. Il fît bouche cousue. Mais, précise Barnavi, qu'avait-il dit de si méchant?
Que le Hezbollah était une organisation terroriste? Et alors, ça ne l'est pas?



Un livre intéressant, rapide et facile à lire, que nous vous conseillons.



Gad.




1 Jean-Marie Colombani, Tous Américains? Le monde
après le 11 septembre 2001, Fayard, 2002