Rechercher dans ce blog

mercredi 3 octobre 2007

Entre Guy Millière et l'islam


Guy Millière, Qui a peur de l’islam ! La démocratie est-elle soluble dans l’islam ?, Paris : Editions Michalon, mars 2004, 139p.



Philosophe, économiste et traducteur proche des néo-conservateurs et l’un des rares intellectuels français à avoir officiellement et publiquement soutenu Georges W. Bush, chargé de cours à l’université Paris VIII, Guy Millière est l’un des rares intellectuels de ce niveau à passer outre le politiquement correct et à dire franchement ce qu’il pense. Auteur de Ce que veut Bush et de Pourquoi Bush sera réélu, il nous dit franchement dans ce petit essai, ce qu’il pense de l’islam comme religion telle qu’elle est, et comme territoires tels qu’ils sont. Petit essai de 139 pages, il ne faut guère s’attendre à une démonstration détaillée du Coran, des Hadiths et de toute la sunna. C’est un témoignage et une série de réflexions que nous donne Millière. Un témoignage sur sa jeunesse, ses voyages en terres d’islam, ses rencontres, ses amours, ses passions et ce qu’il a appris là-bas, parmi les gens comme parmi les textes. Il témoigne et s’interroge. Pourquoi toute tentative de réforme de l’islam s’est-elle endormie depuis la tentative mutazilite ? Pourquoi si peu dénoncent l’archaïsme islamique ? Comment les islamistes ont le texte pour eux ! Comment ce texte, contrairement à une histoire racontée, est une série d’ordres et de prescriptions faites aux musulmans ! Comment le Coran a été écrit quelques décennies après la mort de Mahomet. Sans que rien n’ait été prévu pour la succession de ce dernier. Comment l’islam, né dans le feu et l’épée, s’est étendu par le feu et l’épée, en totale application des principes érigés et retranscrits ! Conférant une supériorité morale et en droits aux musulmans, contre les infidèles. Soumettant de nombreuses populations et de nombreux peuples sous son joug. Pourquoi si peu s’élèvent ? Pourquoi ceux qui le font doivent se cacher et pourquoi les « musulmans modérés » observants restent si timides ? Pourquoi nulle part dans le monde on ne voit de réel soulèvement contre l’islamisme et pourquoi l’Occident ferait mieux de s’affirmer plutôt que de reculer face aux « soldats de l’islam militant » ?


Des questions auxquelles il donne ses réponses, ses convictions, appuyées par son expérience, ses témoignages et ses connaissances. Des réponses, aussi, dont il attend toujours le démenti.


Petit livre facile et rapide à lire, on y relit beaucoup de choses connues, mais si peu dites. Très accessible, il conviendra surtout au grand public, moins à un lecteur à la recherche d’éléments nouveaux. A ceci près des positions de Millière sur la Turquie. Une Turquie faisant figure de modèle possible pour un islam libéral, un islam réduit depuis Atatürk à sa position de religion pour les gens et non de religion d’Etat, « totaliste » et souvent totalitaire. Une Turquie où Erdogan serait un « démocrate-musulman » comme on trouve ailleurs des démocrates-chrétiens et où modernité et islam ne seraient plus contradictoires. Une Turquie que Millière souhaite voir intégrer l’Union européenne. Mais une Turquie qui en Islam fait encore figure d’exception et même d’opposition à l’islam tel qu’il se fait partout ailleurs. En « terre d’islam » ou ailleurs.

jeudi 2 août 2007

Avraham B. Yehoshua, L'Amant




C’était mon premier livre de cet auteur. Avraham B. Yehoshua, né en 1936 à Jérusalem, écrivain israélien d’origine sépharade. J’entamai son premier roman international, L’Amant, écrit entre 1974 et 1976 et publié en France en 1977. On m’avait tenu des propos mitigés sur l’auteur, moins connu qu’Amos Oz, son contemporain lui aussi jérosolomytain, et d’un hébreu moins fouillé que Shmuel Agnon, l’un des pères du nouvel hébreu.



Pourtant je fus agréablement surpris. Et je me plongeai dans le cœur du roman, qui, comme pour ses nouvelles, « rompt avec la jeune tradition littéraire israélienne en introduisant une dimension de rêve et d’ironie dans le réalisme souvent austère et sombre de ses contemporains ». Long de 450 pages bien tassées, je ne pouvais le lire d’une traite. Mais chaque jour, à chaque lecture, j’attendais la suite. La suite d’une histoire bien menée, attrayante, parfois presque choquante. L’histoire d’un homme, Adam, à la recherche de Gabriel, l’amant de sa femme Assiah. L’histoire d’une famille déboussolée par la mort à 5 ans de leur premier enfant. L’histoire de ce garagiste richissime, perdu dans ses pensées et son silence ; de sa femme, brillante enseignante, et de leur fille de 14 ans : Daffy. L’histoire de Naïm, petit arabe du nord d’Israël, 14 ans lui aussi, que son oncle Hamid a fait travailler, comme ses dizaines de cousins et nombre de ses 14 enfants, au garage d’Adam, le patron juif. Une histoire jalonnée par la guerre de kippour, ses conséquences, ses retombées. Bref une histoire en apparence banale, quoique curieuse, mais qu’Avraham B. Yehoshua sait tourner comme il faut pour intéresser et capter le lecteur.



Car au-delà des histoires d’amour et d’amants assez provocantes parfois, au-delà des questions familiales et de la vie intime des personnages, c’est tout un quotidien israélien que l’on découvre. Celui d’une famille juive israélienne de Haïfa et d’origine ashkénaze, celui des Arabes d’un petit village au nord du pays, celui de cette autre mère, non juive et d’origine hongroise, venue pour suivre un mari qui l’a laissé seule avec sa fille Tali. Mais aussi l’univers de l’école israélienne, les cours de littérature, de bible, et du talmud, ou encore l’histoire d’Israël et ses relations avec les Arabes vue par une vieille grand-mère, née en 1881, à Jérusalem, à l’époque turc ottomane.



Yehoshua utilise d’ailleurs un procédé littéraire original qui consiste à faire parler tour à tour chaque personnage, de façon à découvrir la même histoire, les mêmes événements, les mêmes détails, sous le regard de chacun. N’hésitant pas à répéter le même passage, la même parole, la même action, mais vu par le père, par la mère, par la fille, par l’ouvrier, par l’amant ou par la grand-mère.



Mais l’un dans l’autre, c’est aussi le regard de Yehoshua lui-même que l’on perçoit, écrivain auteur de nouvelles, de pièces de théâtre et de romans, professeur de littérature à l’université de Haïfa, mais aussi d’Harvard, de Chicago et de Princeton, qui en 1977 s’engage aussi comme militant politique — tout comme Amos Oz qui en est l’un des fondateurs — au sein du mouvement La Paix maintenant (שלום עכשיב). C’est aussi celui de la compassion d’un auteur qui traduit, raconte et romance les problèmes et les choses de son temps. Le regard des Juifs sur les Arabes, celui des Arabes sur les Juifs, l’ambiguïté de leur rapport, les questions de sécurité dans le pays, l’écart culturel entre une population juive urbaine, moderne et laïque, et une population rurale arabe, aux mœurs anciens et différents, les enfants travaillant, le père ayant deux femmes, ramassant l’argent de ses enfants et les laissant aussi partir, sans donner de nouvelles. Bref c’est aussi l’histoire d’un temps, d’un quartier, d’une région, d’une situation, d’un auteur, mais surtout d’une œuvre littéraire. Une œuvre que nous conseillons.

Gad.








Je précise que je ne suis pas critique littéraire de formation, je n’ai nullement suivi de cours de lettres en tant que tel.Lumieresdumonde.net encourage quiconque est intéressé à nous envoyer ses propres critiques littéraires, que nous publierons avec plaisir.



lundi 30 juillet 2007

Le cinéma israélien à l'honneur pour Tou Bichevat




Après le prix coup de coeur du jury de la section "Un certain regard" au fetival de Cannes 2007 pour le film "La visite de la fanfare", le cinéma israélien est à l'honneur cet été avec le nouveau film d'Eytan Fox : "The Bubble" (en français, la bulle), sorti depuis le 4 juillet. Or on ne pouvait trouver plus original pour fêter Tou béav, la fête des amoureux en Israël, la Saint Valentin israélienne. Réalisateur israélien né à New York en 1964 et vivant à Jérusalem depuis l’âge de deux ans, où ses parents se sont installés en 1966, Eytan Fox est un cinéaste de l’amour et des relations humaines. Mais pas n’importe lesquelles.


Ouvertement homosexuel, Eytan Fox consacre son talent de réalisateur à la communauté homosexuelle en Israël. La plupart de ses films touchent pleinement le sujet. Son premier court métrage, Time off, en 1990, aborde la question de l’homosexualité dans l’armée israélienne. Il reprend ensuite ce thème dans son film Yossi and Jagger, sorti en 2002. Mais Eytan Fox connaît surtout le succès mondial avec Tu marcheras sur l’eau, en 2004.


Avec The Bubble, deux perspectives se chevauchent. D’une part la vie à Tel Aviv d’un groupe de jeunes contestataires du quartier de la rue Shenkin, les rave-party, la musique, la mode et les rencontres ; d’autre part l’histoire d’amour entre un jeune homme juif vivant à Tel Aviv et un jeune homme arabe vivant à Sichem (dont le nom arabe est Naplouse). Somme toute banale, l’histoire prend de l’ampleur lorsque la politique et ses conséquences rattrapent la vie d’une bande de jeunes innocents et naïfs. Avec l’art du cinéaste, Eytan Fox montre différents aspects de la vie dans la région, mais avec un regard distancié, sans qu’on sache jamais si l’auteur défend la position des personnages à qui on s’attache, ou s’il en montre l’irresponsabilité, eux qui ne veulent entendre parler ni de politique, ni de guerre, mais que toutes deux rattrapent. Certes, on pourra toujours y voir un caractère assez « bien-pensant », dans la façon de montrer une vie quotidienne irresponsable, voire libertine et quelque peu amorale, là où d’autres doivent prendre toutes les responsabilités sans lesquelles rien ne tiendrait. Mais c’est aussi ça le cinéma… Alors en attendant de voir un cinéma israélien renommé, plus à droite et posant son regard, non plus sur Israël même et ses composantes, mais sur des pays qui ne font pas eux-mêmes ce travail d’autocritique, on se contentera d’un film (sous-titré en français au cinéma) dont les acteurs sont excellents (rien à redire), qui reste plaisant, distrayant, enrichissant aussi, et que nous invitons à aller voir avec ce montage d’extraits choisis.







vendredi 19 janvier 2007

Peres c/ Boutros Boutros-Ghali




Boutros Boutros–Ghali, Shimon Peres, 60 ans de conflit israélo–arabe. Témoignages pour l'Histoire. Entretiens croisés avec André Versailles, Bruxelles : Editions Complexe, janvier 2006



S'il ne fallait lire qu'un seul livre pour comprendre le conflit dit israélo–arabe, je ne vous conseillerais sûrement pas celui–là. Ouvrage de grand public, confrontant deux hautes personnalités établies, un Copte chrétien, issu de la haute bourgeoisie égyptienne : Boutros Boutros–Ghali, ministre des Affaires étrangères sous Anouar El–Sadate et ancien secrétaire général de l'ONU; et un israélien du parti travailliste, ayant assuré nombre de postes en Israël, dont celui de premier ministre à plusieurs reprises : Shimon Peres. Si vous souhaitez parcourir les évènements qui jalonnent ces 60 ans, découvrir quelques anecdotes sur les rencontres internationales et la manière d'être de certains hommes politiques d'envergure (Sadate, Kissinger, Carter, Begin ...), ou le quotidien d'un diplomate, alors sans doute ce livre vous plaira. En revanche, si vous entendez réellement comprendre les enjeux d'un conflit complexe, comprendre vraiment pourquoi des Juifs ont pu et peuvent revendiquer la Judée–Samarie, soit la rive occidentale du Jourdain, (ou simplement le pays d'Israël), comprendre pourquoi les révélations des nouveaux historiens israéliens, derrière Benny Morris, n'ont rien de choquantes, mais sont dans la logique des choses, si vous souhaitez lire une approche profonde du conflit, intellectuellement, philosophiquement, afin de comprendre pourquoi celui-ci dure, et si vous entendez en connaître les racines : alors ne le lisez pas, vous perdrez votre temps!


Si Boutros Boutros–Ghali, finalement, a au moins le mérite d'assumer des positions et des explications à la limite de l'antisionisme, Peres, lui, pêche trop souvent par excès de tiédeur et de minimisation. Dans cette optique, mieux aurait valu des entretiens avec un homme politique israélien de droite qui assume la réalité des choses et qui les explique clairement, prenant une posture plus agressive qu'un Shimon Peres bien trop diplomate, pour ne pas dire timide (même si, n'exagérons pas non plus, il se défend brillamment sur certaines questions essentielles). Mais dans l'ensemble, ce livre ressemble à une discussion télévisée qui durerait plus longtemps, trop d'ailleurs, le livre, un peu long, devenant un peu fatiguant.


S'il nous est impossible ici de reprendre tous les thèmes abordés, si mal abordés, à tel point que je vous conseillerais de lire l'exemplaire que j'ai moi–même annoté sur quasi toutes les pages, essayons toutefois de relever quelques passages qui en valent la peine. C'est surtout chez Boutros–Ghali qu'on les trouve. Il est intéressant, en effet, de relever à quel point ce Copte chrétien, qui ne parle que de « colonisation » européenne et israélienne, est incapable de se plonger dans une histoire plus longue qui l'amènerait bel et bien à parler de « colonisation » arabe. C'est incroyable, en effet, à quel point il peut faire preuve d'une forme de racisme anti–occidental, par moments et sans même s'en rendre compte, en intégrant la dhimmitude des chrétiens en terre dite d'Islam (qu'il ne critique pas une seule fois) au motif qu'il existe de hautes personnalités chrétiennes (comme lui-même) à la tête de certains gouvernements arabes dits modérés, sans même se dire que cette pratique trompeuse et coloniale était aussi celle des européens qui s'appuyaient sur les élites locales. Bien que critiquant souvent l'incompétence des gouvernements arabes successifs dans la gestion de leurs affaires, qui se focalisent à tort selon lui, sur Israël, il répète maintes fois (au grand dam de Malek Chebel qui prétend le contraire) que la « haine anti–israélienne, avec ses nombreux glissements vers l'antisémitisme [comme] phénomène populaire profond n'est pas le résultat d'une propagande d'Etat [...] les gouvernements arabes [essayant au contraire] de brider cette haine anti–israélienne et antiaméricaine [et] bien plus anti–israélienne qu'anti–américaine ». Pourtant, comme ici page 363, Boutros Boutros–Ghali ne paraît pas en être dérangé et continue à défendre le camp arabe à qui il faudrait, selon lui, donner plus. Malgré tous ses efforts, en effet, il ne prend aucune position véritablement critique sur ces faits, qu'il accepte comme tel, n'adoptant aucune posture de responsabilité envers les Arabes. Posture qui consisterait à dire que rien ne sera possible pour eux tant qu'il ne changeront pas de mentalité, et qu'il faudra les combattre tant qu'ils seront ainsi, car cette mentalité de type identitaire fermé, haineuse, voire xénophobe et raciste, est inacceptable. Ce point est effectivement essentiel. On ne peut admettre l'extrémisme d'un camp, au simple motif que c'est ainsi. Dans ce cas, alors, il aurait fallu faire avec la frustration des Allemands des années 30, les laissant accomplir leur projet. D'autant que l'idée de frustration et de responsabilité des autres dans le malheur de populations est, au regard des faits, peu défendable et assez malhonnête pour les Arabes, comparé à d'autres peuples (Arméniens, Juifs, Indiens...). Et, alors que Boutros–Ghali cherche à pousser la logique côté israélien en la fustigeant, car sans essayer de les comprendre dans une optique comparatiste1, face à un Peres qui les minimise, au lieu d'en expliquer tout simplement le fondement sans aucun complexe; en revanche il ne pousse jamais la logique des choses du côté arabe. Ainsi, il est particulièrement intéressant de l'entendre refuser le terme de « minorités étrangères », page 125, pour les Arabes accueillis en Jordanie après la guerre de 1948 ou celle de 1967, au motif que les Arabes constituent un seul et même peuple, doté d'une même identité, d'une même origine ethnique, d'une même religion à la base ...etc ... mais sans critiquer alors leur extension. Au fond, Boutros–Ghali par son réalisme, a en réalité les mêmes considérations que la droite sioniste, puis israélienne, Jabotinsky au premier chef. A la différence que ces derniers, une fois les faits établis, y portent une vision critique, nécessaire à toute réflexion, qui consiste à mettre en évidence qu'alors, comme l'a dit Jabotinsky, « les Arabes sont une nation qui a plusieurs Etats, alors que les Juifs sont une nation qui veut un Etat » et un seul, qui plus est, de taille ridicule – même dans sa version la plus grande – comparé à la surface sous domination arabe. Aussi Boutros–Ghali fait donc ici figure d'un piètre penseur; à moins que la simplicité de son propos s'explique par le statut « grand public » du livre, chose qui induit en fait les masses dans l'erreur. Après tout, on ne peut être tout à la fois, il est déjà grand diplomate. Par ailleurs, ce dernier se contredit dans son acceptation d'un seul et unique peuple arabe, dotée d'une identité, mais divisée en d'autres sous–unités, qu'il appelle également « peuple ». La confusion des termes touche là à son comble.
Car en effet, si un individu peut lui–même appartenir à plusieurs peuples, par le fait de l'histoire (la dispersion et les mariages mixtes surtout) comment un seul et même peuple peut -il en même temps être pluriel ?
Si on choisit de l'admettre en tout cas, alors faut–il le faire pour tous, et non seulement pour les Arabes. Il s'agit là d'un privilège intellectuellement injustifié. S'il existe bien des Jordaniens, des Irakiens, des Égyptiens, par la nationalité, par le découpage, souvent arbitraire d'Etats – et avant cela de royaumes ou principautés – le terme de peuple, dans le cas où l'on parle d'un seul peuple arabe, perd tout son poids
2. La sémantique prend donc toute son importance.


Pour résoudre cette complexité, nous observons alors que le droit utilisé par l'Etat d'Israël, distinguant l'appartenance à une nation – juive, arabe, ou druze – de l'appartenance à une nationalité – israélienne, libanaise, jordanienne ... - révèle toute son utilité (même si le cas des enfants mixtes, rend son application difficile3). A ce titre, il est également scandaleux que l'ancien secrétaire général des Nations–Unies qualifie de « minorités arabes » des peuples à part entière tels que les Druzes, voire les Coptes – auquel il appartient. . On se rend compte alors à quel point l'homme a intégré une domination arabe qu'il considère naturelle, niant l'identité tout à fait différente, tant ethnique, religieuse, culturelle, voire linguistique ... d'autres peuples, au motif que les Arabes les ont soumis depuis de nombreux siècles (C'est à se demander si son discours n'est pas à moitié guidé par la peur de menaces dans son pays, allons savoir). Cette représentation s'opère encore dans sa qualification de « terre arabe », soit pour les Arabes, toutes celles qu'il ont dominé un jour (c'est–à–dire Andalousie compris, mais également toute l'Espagne et le sud de la France, même s'il ne dit rien sur ces deux dernières régions). On ne sait, à vrai dire, souvent, s'il expose simplement la supposée mentalité arabe, ou s'il l'approuve et la défend : une chose est sûre, il ne s'offusque nullement contre ces considérations expansionnistes, dominatrices, impérialistes, voire racistes, alors qu'il caricature souvent le camp adverse.


Si donc, il fallait lire ce livre, ce serait plus pour découvrir les aberrations qui y sont dites.


MU.



1 Tel est le cas concernant l'expulsion d'Arabes pendant la guerre d'indépendance qu'on ne peut comprendre que dans une optique comparatiste. Il est en effet tout simplement injuste sur le plan égalitaire que les pays arabes expulsent et massacrent les Juifs d'Hébron ou d'autres implantations situées à l'est du Jourdain, sans que mot ne soit dit, mais que les Juifs de leur côté ne puissent expulser les Arabes implantés au milieu des installations juives. Boutros – Ghali en effet, dénonce le massacre de Deir Yassine par des hommes de l'Irgoun et du Lehi, sans dire mot de tous les massacres arabes (au pluriel), non seulement pendant la guerre mais aussi avant celle - ci. Il dénonce par ailleurs sans aucune réflexion l'expulsion d'Arabes mais sans dire mot des expulsions et des massacres contre les Juifs. Or rappelons que toute guerre de libération nécessite le départ de ceux contre qui on estime se libérer. Si les Arabes du Proche – Orient ont expulsé les Juifs, si les Arabes d'Algérie ont expulsé les Pieds – noirs (et on pourrait multiplier les exemples avec nombre de populations), pourquoi les Juifs ne pourraient – ils pas expulser ceux qui sont, pour eux, leurs « colonisateurs hostiles » : les Arabes ? Voir sur ce point notre article Parce que le nationalisme n'est pas là où on le croit ! Boutros – Ghali va jusqu'à qualifier de « nettoyage ethnique » l'expulsion d'Arabes sans se rendre compte qu'alors tout mouvement de décolonisation constitue un « nettoyage ethnique ». C'est cette réalité et cette dureté machiavélienne et réaliste que Shimon Peres tait,au lieu de l'expliquer crument au lecteur. Que ce soit pour des raisons politiques ou par conviction, l'ouvrage montre là ses limites.




2Il faut en effet distinguer le cas, où par un hasard de l'histoire, immigration, changement de pays ... un individu pourra revendiquer une double appartenance (ex : Arabe et Français, Juif et Français ...), qui, déjà n'est pas un phénomène sans difficulté ni contestations; et le cas, tout à fait différent, où un individu se dirait Arabe et Jordanien par exemple, alors même que les Jordaniens s'insèrent dans un ensemble plus vaste, celui du peuple arabe, justement. On voit là apparaître une difficulté, due à l'implantation durable des Arabes dans de nombreux pays qu'ils ont envahi, qui ne saurait être traité aussi légèrement que ne le fait Boutros Boutros – Ghali.




3Voir sur ce point Moche Katane, Qui est Juif ? Le jugement de janvier 1970 de la Cour suprême d'Israël, Paris : Editions Colbo, 1990